Qui a occupé les camps romains autour d'Alise-Sainte-Reine ?

 

 

Les monnaies celtiques (1) :

 

La découverte de très nombreuses monnaies celtiques dans les camps romains soulève le problème de leur occupation. « Plusieurs explications théoriques peuvent être avancées pour expliquer cette apparente anomalie :

 

Soit il ne s'agit pas de camps romains ;

Soit il s'agit bien de camps romains, mais occupés par des mercenaires gaulois ;

Soit les légionnaires romains utilisaient, à ce moment de la Guerre des Gaules, du numéraire local.

 

La première explication est contredite par l'archéologie, qui, pour les camps A, B et C tout au moins, a formellement montré qu'il s'agissait d'ouvrages de poliorcétique romaine.

La seconde explication paraît à première vue plus crédible : on sait en effet que les camps militaires augustéens de Rhénanie livrent fréquemment des espèces celtiques et l'on en a souvent conclu qu'il s'agissait là de la solde des auxiliaires, souvent des Gaulois à cette époque. Dans le cas d'Alésia, on peut toutefois être sceptique (…), l'absence de légionnaires dans les principaux camps romains (…) est impensable. (…) l'on pourra sans trop d'audace, y reconnaître la trace de pillages effectués en pays Arverne, à Orléans ou à Bourges, ainsi que le fruit des cantonnements chez les Sénons, juste avant l'épisode alisien. Enfin la présence en pays mandubien d'espèces Lingonnes, Séquanes ou Eduennes ne surprend pas vraiment compte tenu de la proximité de ces peuples (2)».

 

Les monnaies retrouvées seraient donc le fruit des pillages ou des transactions monétaires effectuées par les armées césariennes, et pour certaines, le résultat logique d'échanges locaux.

 

Des bronzes frappés en abondance, mais aussi de nombreuses monnaies en argent, quelle signification ?

 

Effectivement, à l'été 52 av. J.-C., César ne semble plus avoir de troupes auxiliaires gauloises, à l'exception bien évidemment des germains recrutés les semaines précédant le siège d'Alésia (3)(4)(5)(6)

 

Pourtant les camps vont livrer très peu de monnaies romaines et quasiment aucune monnaie celtique des territoires frontaliers avec la « Germanie » (7).

A-t-on dès lors réellement affaire à des armées romaines et aux auxiliaires germains de César ?

 

Si la possession par les armées romaines d'espèces celtiques reste une hypothèse plausible (actuellement celle privilégiée par les spécialistes), elle semble toutefois fragilisée par cette quasi-absence de monnaies romaines dans les camps (8).

Que faut-il alors penser de cette importante récolte de monnaies gauloises ? La diffusion de ces monnaies a-t-elle eu lieu essentiellement au moment de la Guerre des Gaules ?

Crédit : K. Gruel, L. Popovitch.
Crédit : K. Gruel, L. Popovitch.

A l'époque du siège d'Alésia, le brassage monétaire entamé avec la conquête est déjà important : « Antérieurement à 58 av. J.-C., les monnayages de chaque cité ne quittaient guère les limites du territoire émetteur, en raison des différences de style, de poids et d'aloi qui existaient d'un peuple à l'autre (9)». D'autre part, « J.-B. Colbert de Beaulieu et S. Sheers ont prouvé que les numéraires gaulois et romains recueillis dans les fouilles ordonnées par Napoléon III étaient parfaitement conformes à ce que nous savons des espèces utilisées à ce moment (10). »

 

Les monnaies celtiques recueillies à Alise-Sainte-Reine sont donc compatibles avec un événement du milieu du 1er siècle avant notre ère, que ce soit dans les fouilles anciennes, récentes ou en prospection. Ces monnaies présentent de nombreuses particularités, la plus intéressante étant la présence en nombre de bronzes frappés, particulièrement dans les camps (11). Ces dernières années un certain nombre d’études ont été consacrées à la chronologie des émissions de monnaies celtiques pour tenter d'y voir plus clair, notamment depuis 1993 (12). En 1999, une étude de L.-P. Delestrée permet même d'esquisser un portrait plus précis de la diffusion du monnayage celtique et tout particulièrement des bronzes frappés dans le nord de la Gaule. Il constate en effet qu'à « la fin de la Guerre des Gaules, l'économie monétaire explose chez tous les peuples de la Gaule Belgique, qui, suivant en cela l'exemple plus ancien des Rémi, se dotèrent en quelques années d'un immense monnayage en bronze, dont l'abondance, les types, le style, et les centres émetteurs varient sensiblement au sein de chaque peuple identifié (13) ».

Ce schéma, l'adoption de nouveaux types de monnaies frappées qui commenceraient à être largement diffusés à la fin de la première moitié du 1er siècle avant notre ère va également trouver un écho favorable chez M. Poux : «  On ne peut que souscrire à cette nouvelle chronologie largement confortée par l'étude des importations, désormais à l'unisson des données numismatiques : manifestement postérieure aux premières émissions de potins, la diffusion des premiers bronzes frappés dans le Nord-Est de la Gaule se placerait ainsi peu avant le milieu du premier siècle avant notre ère, entre 60 et 50 av. J.-C. (14) ». A partir de 2005, même si de nombreuses chronologies restent très discutées, la période de diffusion des bronzes semble encore mieux connue : « La quantité et la variété des monnayages gaulois en bronze, datant d'après la guerre et frappés alors que la Comata faisait déjà intégralement partie de l'empire romain, sont impressionnantes. Il est clair qu'une fois de plus le gouvernement ne s'est nullement préoccupé de ces monnaies autochtones et l'on peut même se demander si une autorisation quelconque était nécessaire pour qu'une tribu ou un peuple entreprenne de battre monnaie. Certains de ces monnayages, comme semblent l'indiquer les trouvailles d'Alésia (52 av. J.-C.), datent d'avant la guerre mais leur prolifération est postérieure (15) ».

Enfin, pour prendre en exemple un oppidum important comme Bibracte : « L'apparition des alliages en bronze frappé et de types épigraphes se situe à partir des environs de 60 av. J.-C., soit un peu avant la Guerre des Gaules. Les émissions de potins (bronze coulé) s'échelonnent sur toute la durée du site avec introduction de nouveaux type à la Tène D2a et même encore D2b. Ils circulent jusqu'à l'abandon du site, même si ils sont progressivement remplacés par des bronzes frappés (16) ».

 

Pour résumer, de nombreux monnayages Gaulois en bronze ont été émis pendant la Guerre des Gaules et il ne serait donc pas anormal d'en retrouver dans les travaux de sièges alisiens. Toutefois la très grande diversité des bronzes recueillis pourrait signifier que nous serions-là plutôt dans la période postérieure à la Guerre des Gaules, à l'apogée des émissions et de la diffusion de ce type de monnaies (17)

Répartition des monnaies par alliage monétaire à Alise-Sainte-Reine, 1 : monnaies des fossés, 2 : monnaies des camps. Crédit : K. Gruel, L. Popovitch.
Répartition des monnaies par alliage monétaire à Alise-Sainte-Reine, 1 : monnaies des fossés, 2 : monnaies des camps. Crédit : K. Gruel, L. Popovitch.

Comparaison avec certains sites Arvernes :

 

Il n'existe malheureusement pas sur notre territoire de sites connus, contemporains ou postérieurs à la Guerre des Gaules, comparables au siège d'Alésia (18), il faut donc porter son attention vers d'autres types de sites susceptibles d'avoir accueilli des militaires romains ou des auxiliaires celtes (notamment Arvernes) dans la deuxième moitié du premier siècle avant notre ère, pour tenter d'établir quelques similitudes.

 

L'oppidum de Corent en Auvergne, bien que majoritairement occupé avant le milieu du 1er siècle av. notre ère, continue à être partiellement fréquenté par la suite, plusieurs périodes d'émissions successives sont donc concernées. Là comme à Alise, les monnaies arvernes les plus diffusées à la Tène D2 y sont logiquement présentes ce qui ne permet pas d'établir des parallèles servant à dater l'occupation des camps.

 

L'oppidum de Gondole présente plus d’intérêt puisqu'il comporte deux phases distinctes d'occupation, une à la Tène D2a, l'autre à la Tène D2b. On constate que la monnaie ADCANAVNOS est présente sur les deux phases, que la monnaie CICIIDV BRI/IIPAD est surtout présente dans les ensembles de la deuxième (deux types en nombre à Alise), que la monnaie IIPOS est majoritairement présente dans le première (et totalement absente à Alise). Quant à la monnaie IIPAD au guerrier (absente elle-aussi à Alise), elle n'est présente qu'à la toute fin de la deuxième phase, soit vers 30 av. J.-C (19).

 

Le site de Gergovie est lui aussi exploitable puisque son occupation principale semble elle aussi chronologiquement bien cernée, elle est très nettement augustéenne même si les chercheurs estiment que la fréquentation est croissante dès la Tène D2b : Les monnaies IIPOS sont totalement absentes ce qui est logique puisque le site ne semble pas occupé à la Tène D2a, les monnaies ADCANAVNOS (38 ex) et CICIIDV BRI/IIPAD (43 ex) sont bien représentées. Quant aux monnaies augustéennes ou pré-augustéennes, EPAD au guerrier (183 ex) et VERCA (83 ex) elles sont largement majoritaires (20).

Diagramme de distribution des monnaies (nombre et chronologie) sur les principales agglomérations de basse Auvergne. Crédit : M. Poux.
Diagramme de distribution des monnaies (nombre et chronologie) sur les principales agglomérations de basse Auvergne. Crédit : M. Poux.

L'étude des oppida précités autorise déjà quelques réflexions :

 

La monnaie IIPOS est absente à Alise ce qui paraît logique si on considère qu'elle ne semble plus diffusée au milieu du premier siècle avant notre ère. On peut toutefois s'étonner de son absence totale sur un événement de 52 av. J.-C., époque où elle est peut-être encore en circulation.

La monnaie ADCANAVNOS est présente sur tous les oppida de la région clermontoise, tant à la Tène D2a qu’à la Tène D2b. Idem pour la monnaie type CICIIDV BRI/IIPAD, à priori, plutôt diffusée pendant la Tène D2b, soit essentiellement pendant le troisième quart du premier siècle avant notre ère. Ces deux monnaies pourraient donc être présentes sur un événement de 52 av. J.-C. tout comme dans les décennies qui suivent.

Les monnaies EPAD au guerrier et VERCA sont absentes des travaux de siège alisien, ce qui tendrait à prouver que celui-ci est bien antérieur à 30 av. J.-C.

 

Si on ne considère que le monnayage arverne et sa chronologie, l'événement alisien ne présente pas d'incompatibilité avec la proposition qui consiste à l'identifier avec le siège d'Alésia. Toutefois, ce même monnayage pourrait concerner un événement de même ordre jusqu'à l'époque augustéenne.

 

 

Quelques sites non Avernes :

 

Les monnaies du site de Bibracte ne sont pas exploitables du fait de la durée de son occupation qui couvre plusieurs périodes y compris le changement d'ère. Une bonne partie des monnaies retrouvées sur les camps à Alise se retrouvent aussi sur l'oppidum Eduen, sans qu'on puisse, de fait, établir de chronologie fine.

Crédit : K. Gruel, L. Popovitch.
Crédit : K. Gruel, L. Popovitch.

La chaussée-Tirancourt (21):

 

L'occupation principale du site semble avoir eu lieu entre 50 et 20 av. J.-C., cette datation se base sur les céramiques, les amphores (essentiellement des Dressel 1B), les fibules, les clous de caligae d'époque césarienne et les monnaies.

L'étude des 39 monnaies issues des découvertes provenant de la chaussée qui traverse la porte principale amène aux constations suivantes :

-50 % des monnaies sont en argent (45 % des 326 monnaies récoltées sur l'ensemble du site)

-Le reste est quasi-exclusivement composé de bronzes frappés

-Une seule monnaie romaine

 

On note la présence de 5 exemplaires au nom de TOGIRIX (19 monnaies en prospections à Alise)

Et 14 monnaies de Marseille (9 monnaies en fouille et prospections à Alise)

 

Les diverses caractéristiques de cet ensemble monétaire, majoritairement exogène, ont amené les spécialistes à attribuer l'occupation post-césarienne à des auxiliaires celtiques de l'armée romaine.

Il est à noter que nous sommes là, toute proportion gardée, dans une configuration qui n'est pas très éloignée de celle constatée sur les camps alisiens.

 

Allonnes (22):

 

Le sanctuaire de Mars Mullo a connu plusieurs phases d'occupations qui s'étalent sur plusieurs siècles. La période qui nous intéresse, relativement bien circonscrite, s'étend de la fin de l'indépendance jusqu'à l'époque augustéenne, c'est cette époque qui a livré le plus de monnaies celtiques, même si les contextes de découverte sont assez hétérogènes. Il semble malgré tout que l'ensemble monétaire le plus pertinent date des années 40-30 av. J.-C. (daté notamment par les monnaies locales, drachmes et petits billons au carnyx).

 

On note la présence de bronzes frappés plutôt originaires du nord de la Gaule.

Ainsi que de nombreuses pièces en argent provenant de chez les Voconces, les Allobroges, les Éduens, les Séquanes, les Ségusiaves, les Carnutes, les Lémovices, les Pictons et les Bituriges.

Les pièces les plus représentées sont celles des Bituriges Cubi, des Éduens et des Séquanes. Ces ensembles monétaires en argent sont composés en majorité de types à la tête casquée et d'une quinzaine de pièces au nom des chefs mentionnés par César.

A noter la présence en nombre des monnaies massaliotes.

Ainsi que la quasi-absence des deniers et quinaires romains républicains, qui de toute façon proviennent pour la plupart d'un contexte tardif.

 

Bien que contexte et faciès numismatique soient assez différents de celui d'Alise (majorité de potins synonymes d'échanges locaux et appartenant à diverses époques), de nombreux parallèles sont possibles, en effet on constate dans les deux cas :

 

-Présences de monnaies de Marseille en nombre significatif.

-Bronzes frappés comportant des noms de chefs gaulois.

-Monnaies en argent (rappelons que sur le site alisien le corpus monétaire attribué aux Séquanes est très majoritairement composé d'argent : 19 en prospection et 90 en tout si on comptabilise les fouilles anciennes. Idem pour le corpus monétaire Eduen : 9 pour un seul bronze frappé en prospection et 75 en tout pour 5 bronzes frappés)

-Quasi-absence de monnaie romaine.

 

« Ces monnaies, émises pour la majeure partie d'entre elles à la fin de l'Indépendance gauloise, ont connu une diffusion particulière qui pourrait être liée aux déplacements de troupes auxiliaires romaines payées en deniers gaulois ».

Sur ce site, on observera que là aussi les monnaies romaines font défaut, ainsi que les nombreuses similitudes avec les découvertes monétaires autour d’Alise.

 

 

Bassing :

 

Le site d'habitats de Bassing dont les occupations successives s’échelonnent de la Tène finale à l'époque mérovingienne, a livré un trésor exceptionnel de 1111 pièces d'argent (23).

Ce dépôt est parfaitement cerné chronologiquement puisqu'il a été enfoui pendant la période augustéenne dans les toutes dernières décennies du 1er siècle avant notre ère.

 

Toutes les monnaies datent du premier siècle avant notre ère, pratiquement toutes sont postérieures à 60 av. J.-C., et 783, la majorité, sont même post-conquête et ont pu être émises pendant toute la période qui précède le changement d'ère.

 

Les monnaies des Eduens et des Séquanes dominent de façon écrasante, notamment à travers certaines séries épigraphiques :

-Q DOCI SAM F

-TOGIRIX

-SOLIMA COIMA

 

Les similitudes avec Allones et Alise sont notables, d'ailleurs concernant ce dernier site, on peut constater que les monnaies Q DOCI SAM F sont présentes à hauteur de 19 ex. (fouilles anciennes). Que celles à légendes TOGIRIX sont présentes à hauteur de 90 ex. (71 en fouilles anciennes, 19 en prospections). Quant aux SOLIMA COIMA, elles sont présentes à hauteur de 10 ex. (fouilles anciennes et prospections).

Les monnaies eduennes en argent sont, elles, toutes récoltes et tous types confondus, présentes à hauteur de 76 ex.

On notera avec intérêt que ces séries sont présentes dans un contexte largement postérieur à la Guerre des Gaules.

 

Monnaies romaines :

 

Le trésor de Bassing ne livre pas de monnaies romaines, situation quasi-similaire à celle des sites de la Chaussée-Tirancourt, d'Allonnes et d'Alise-Sainte-reine.

Cette situation s'expliquerait aisément par la pénurie d'argent romain pendant toute la période post-conquête : « Après la conquête, les romains ne peuvent étendre la circulation de leur monnaie à la Gaule sans risquer une pénurie de numéraire. C'est pourquoi ils n'imposent aucune contrainte monétaire aux gaulois (24)». En effet, contrairement à ce qu'on aurait pu penser, il n'existe aucune accélération de la pénétration du numéraire romain en Gaule après la conquête (25), cette situation prévalait déjà antérieurement, hormis au sein des armées romaines (26). En définitive, Le monnayage romain ne prit son essor en Gaule qu'à partir des réformes augustéennes, et les émissions gauloises ne commencèrent à disparaître qu'à la fin du premier siècle avant notre ère (27). Il a donc fallu attendre qu'un atelier lyonnais ouvre ses portes pour que du numéraire romain recommence à approvisionner la Gaule (28).

 

Des auxiliaires ?

 

Il a été démontré qu'au moment d'Alésia, César n'avait plus d'auxiliaires gaulois dans ses troupes (29).

Les similitudes entre le facies monétaire d'Alise et certains sites en Gaule, laisse-penser, pourtant, que les camps alisiens auraient accueilli de nombreuses troupes d'auxiliaires gaulois.

Quels en sont les indices ?

 

Les potins (bronze coulé) : La faible proportion de potins ne prouve pas que nous ayons affaire-là à des auxiliaires, par contre, la faiblesse de ce numéraire autour d'Alise (30) indique que nous sommes bien là en face d'un événement militaire, en effet les sites à occupation longue, et notamment les zones d'habitats occupées au premier siècle avant notre ère présentent des proportions inverses (31). Les potins sont souvent en forte proportion ou majoritaires comme à Bibracte (32) , Allonnes (33) ou sur l’oppidum d’Alise-Sainte-Reine (34).

 

Les bronzes frappés : Bien que de nombreux bronzes soient antérieurs ou contemporains de la Guerre des Gaules, et aient pu être déplacés par les légions de César en mouvement, il semble que leur diffusion maximale à travers la Gaule ait eu lieu pendant la deuxième moitié du premier siècle avant notre ère (cf. notes 13 à 17). Cet essaimage aurait pu avoir, en partie et pour vecteur, les nombreuses troupes auxiliaires utilisées pour maintenir l'ordre en Gaule entre 51 av J.-C. et la reprise en main augustéenne (35)(36).

 

Les monnaies en argent : D'après de nombreux spécialistes, les monnaies gauloises en argent, outre leur rôle lors d'échanges commerciaux (37), auraient servi à rémunérer les auxiliaires (38)(39). Ce type de numéraire se retrouve en nombre sur les camps augustéens du Limes, alors même que de nouvelles séries émises bien après la conquête, circulent alors largement.

 

Les monnaies romaines : Les monnaies républicaines constituaient le solde des légionnaires, voilà pourquoi on pourrait en retrouver sur le théâtre d'une opération césarienne. Concernant le site d'Alise rappelons que le manque d'usure des monnaies ainsi que le contexte de découverte des fouilles napoléoniennes rendent toute interprétation délicate et peu fiable (40). A contrario, les pièces découvertes en fouille ou en prospection, bien que pouvant avoir été perdues à différents moments, ont été retrouvées à l'intérieur des camps et sont donc de fait majoritairement liées à l'épisode militaire concerné. Or, le corpus romain est quasi-inexistant, à l'inverse des bronzes frappés et des quinaires en argent gaulois. Nous aurions donc là deux indices : une pénurie post-conquête de monnaies républicaines et un corpus de monnaies celtiques extrêmement diversifié, d'une occupation des camps par des troupes auxiliaires gauloises.

 

Conclusion :

 

L'hypothèse d'un siège d'Alise par l'armée romaine de Jules César n'a rien d'improbable, les monnaies tant gauloises que romaines sont chronologiquement compatibles avec un événement du milieu du premier siècle avant notre ère, même si certaines émissions, peu nombreuses, pourraient être postérieures.

 

L'hypothèse d'une occupation des camps par une armée composée en majorité d'auxiliaires dans la période qui va de la conquête césarienne à l'époque augustéenne, n'est pas moins plausible, et présente de nombreux indices :

 

Une présence massive de monnaies en argent et de bronzes frappés très diversifiés, qui auraient servi 1) à rémunérer les auxiliaires, avec une matérialisation de leurs nombreux mouvements à travers le pays alors qu'elles sont en charge du maintien de l'ordre dans une période d'instabilité. 2) et qui témoigneraient de l'accélération des échanges après la conquête.

 

Des camps peu nombreux, à la surface limitée et présentant une forme peu canonique en raison de leur adaptation au terrain (41).

 

A l'image de Bibracte, une diffusion – peut-être - tardive des monnaies de bronze et d'argent arvernes vers l'Est de la Gaule ?

Sur l'oppidum du Mont-Beuvray, parmi une large majorité de monnaies Eduennes, Séquanes et du nord-est de la Gaule, figurent 20 monnaies arvernes : « Le monnayage arverne apparaît tardivement sur le site de Bibracte, à l'exception d'une monnaie d'argent fourrée dans l'horizon de la porte du rebout. Le statère d'or tout comme les 18 bronzes sont contemporains ou postérieurs à la Guerre des Gaules (42)».

 

Une situation numismatique en apparence « homogène » sur les camps; puisqu'une majorité de monnaies semblent émises au moment de la Guerre des Gaules, mais certaines émissions postérieures, augustéennes ou pré-augustéennes, posent questions. S'agissant de trouvailles en prospection sans contexte précis, ces monnaies ont pu, bien évidemment, arriver dans les camps par hasard, voire à l'occasion d'une opération militaire ultérieure, et c'est sans doute le cas des monnaies romaines républicaines réputées augustéennes (moitié d'as) ou du GERMANUS INDUTILLI (43), mais que penser de l'exemplaire SIIX FT POM ?

 

Cette monnaie dont l'attribution et la datation semblent encore incertaines (Arvernes ou Cavares) se diffuse en auvergne et sur certains sites de l'embouchure du Rhône, plutôt à l'époque augustéenne (18 ex. à Gergovie). S’il s'agit d'une émission arverne, est-elle à relier à l'événement alisien ? Dans ce cas cette émission indubitablement postérieure à la Guerre des Gaules fournirait un terminus post-quem vers les années 40 (44).

 

Quoi qu'il en soit, le facies numismatique d'Alise, plutôt tardif, semble poser un problème à K. Gruel qui tente de le résoudre en proposant l'explication suivante : « Les camps des légions romaines autour d'Alésia sont, eux aussi, restés partiellement en activité quelques années après le siège. Ils présentent un intérêt particulier car ils ont fourni peu de monnaies romaines (11 pièces) mais un certain nombre de pièces gauloises, parfois assez inattendues en ce lieu. Leur nombre paraît trop limité pour qu'on puisse parler de restes de pillages ou de soldes en monnaies du pays, ce qui pourrait être envisagé pour des auxiliaires mais pas pour des légionnaires romains (45) ».

 

 

Ce raisonnement se trouve confirmé par un autre élément dont l'information est capitale, en effet, la plupart des bronzes sont usés et ce n'est pas le temps passé sous terre qui expliquerait le phénomène. Ces pièces ont été usées par une utilisation commerciale, c'est à dire qu'elles ont circulé de nombreuses années avant d'atterrir à Alise-Sainte-Reine. Or on l'a vu, les bronzes sont réputés émis, pour la plupart, pendant la Guerre des Gaules, voire pour les bronzes arvernes dans les quelques semaines qui précédent le siège d'Alèsia afin de soutenir l'effort de guerre (cf. sujet sur les monnaies arvernes).

Il est donc impossible que cette usure ait pu intervenir en si peu de temps, et si la majorité des pièces ont bien été diffusées dans les années 60-50 av. J.-C., alors nous sommes fatalement en présence d'un événement postérieur au milieu du siècle (46). Une force de maintien de l'ordre composée en grande partie d'auxiliaires, payés soit en argent, soit en bronzes frappés gaulois, semble alors l'hypothèse la plus vraisemblable.

 

 

Addendum

 

Il n'a pas été abordé ici les évolutions du poids des monnaies qui pourraient pourtant apporter des indications chronologiques supplémentaires. L'étude de ces évolutions est encore embryonnaire et il ne faudrait pas surexploiter les informations qui se dégagent des synthèses sur ce sujet. Toutefois, il semble que l'indication principale en matière de chronologie soit une baisse régulière du poids des monnaies celtiques jusqu'à la fin des émissions, au début de notre ère (47).

Dans un ouvrage récent, le numismate G. Depeyrot tente d'esquisser une chronologie des émissions dans l'immédiat après-guerre des Gaules : « Les gaulois ont donc émis des pièces d'argent, mais avec un poids moyen beaucoup plus faible qu'auparavant (généralement autour de 1,80 g à la place de 3,00 g). (48)»

Cette situation est bien celle constatée à Alise, même si, exception, le poids des pièces arvernes reste un peu plus élevé que celui des autres peuples (49), sans compter certaines émissions atypiques en terme de poids. Parmi les quantités importantes de pièces en argent, notons :

 

69 pièces séquanes dont le poids est compris entre 1,60 g et 2,00 g ; 59 monnaies eduennes dans la même situation ainsi que 16 pièces à légende Q DOCI et 11 à légende SEQUANOITOS (50).

 

La constitution du corpus monétaire d'Alise se situerait donc plutôt pendant la période 50-30 av J.-C. (51), en cohérence avec les autres éléments du dossier.

Le poids nettement moins important que les émissions du début du 1er siècle av. J.-C. et l'usure significative de la plupart des monnaies, plaident alors nettement pour une circulation monétaire pendant le troisième quart de ce siècle.

 

 

 

NOTES ET REFERENCES :

 


1) Ne seront pas étudiées ici les monnaies issues des fouilles du XIXe siècle, sauf bref rappel pour information. Sont concernées les monnaies issues des prospections et des fouilles modernes, en effet les conditions de récolte des monnaies napoléoniennes restent très obscures : suivant certaines sources, elles proviennent toutes de l'avant fossé du Réa, suivant d'autres, les ramassages auraient eu lieu, -outre le Réa- dans la plaine des Laumes et dans celle de Grésigny. Il ne semble pas y avoir eu de collecte dans les camps romains sur les plateaux, ce qui est très surprenant ; aucune n'est en tout cas signalée sur les camps B et C, lieu où la prospection moderne a pourtant donné les meilleurs résultats. La même problématique existe pour les monnaies romaines, puisque les fouilles contemporaines, à la différence des anciennes, n'en ont pratiquement pas découvertes. Cette différence de récolte entre les fouilles anciennes et les fouilles modernes ne s'explique pas et ce n'est pas là la seule anomalie de cette recherche. Précisons d'emblée que le corpus des monnaies récoltées en prospection (et évidemment en fouille moderne) est tout à fait exploitable, d'une part parce qu'il est issu très majoritairement de l'intérieur des camps ou des travaux de défense, et d'autre part parce que la plupart des monnaies - outre d'incontestables similitudes avec celles récoltées lors des fouilles anciennes - sont chronologiquement en accord avec la période concernée. Quelques exemples (le premier chiffre représente les monnaies récoltées au XIXeme, le deuxième les monnaies issues des fouilles et ramassages modernes) : Bronze Arverne type « ADCANAUNOS » 9/5, Argent Sequane type « TOGIRIX » 57/12, Argent Eduen types « 5138 et 5252 » 72/19, Bronze Sénon type « YLLYCCI » 7/22, Bronzes Bituriges ou Carnutes types « VANDIILOS » 19/14, « CALIAGIIS » 10/11, Potin Lingons type « 8319 » 6/5, etc... Il subsiste certes de nombreuses différences entre les récoltes, toujours non expliquées, mais il faut souligner qu'il n'y a aucun doute sur le fait que les monnaies celtiques recueillies en prospection sont pour partie liées au siège : « D'une manière générale, on constate une plus grande variété des monnayages sur ces différents camps que dans les fossés. De nombreuses cités n'ont fourni chacune qu'une ou plusieurs pièces qui constituent un véritable semis. Il faut probablement voir là les témoins des déplacements des soldats lors de leur campagnes ». B. Fischer, Les monnaies Gauloises : enseignements et questions, in : ALESIA : Fouilles et recherches Franco-allemandes sur les travaux militaires romains autour du mont-Auxois (1991-1997), sous la direction de M. Reddé et S. Von Schnurbein, vol 2, 2001, 11-19, p 18.


2) M. Reddé, Introduction à l'étude du matériel, ibid., 1-9, p. 7-9.


3) « Les troupes auxiliaires, Crétois, Espagnols, Numides, Gaulois alliés, n'existaient à vrai dire plus. Cette fois encore, avant de se mettre en marche, (César) envoya des agents acheter des hommes au-delà du Rhin. Quelques milliers d'hommes répondirent à l'appel de César : effectif peu nombreux (…).» C. Jullian, Vercingétorix, p. 244-245.


4) « En outre, il y avait les auxilia, c'est à dire les contingents non légionnaires composés d'hommes qui n'étaient pas citoyens romains, des barbares d'origines diverses, donc mercenaires, fantassins et cavaliers. Mais nous ignorons desquels disposait César à Alésia, en dehors des cavaliers et fantassins légers germains qu'il avait fait venir pour renforcer sa cavalerie et dont nous ne connaissons pas le nombre ». J. Le Gall, La bataille d'Alésia, Publications de la Sorbonne, Paris, 2000, p. 27.


5) « ...douze légions (…) auxquelles s'ajoutaient des auxiliaires d'origines diverses (archers crétois, frondeurs des Baléares, fantassins légers numides ou germains) et des cavaliers. Ceux-ci avaient été fournis, les années précédentes, par les peuples gaulois, de gré ou de force, et leur effectif se montait à environ 4000 hommes. La défection progressive de ses alliés conduisit César, en juillet 52, à recourir à des mercenaires germains (cavaliers et fantassins légers) qui devaient jouer un rôle décisif ». C. Goudineau, Le dossier Vercingétorix, Actes sud/Errances, 2001, p.399-400.


6) « De toute façon, au moment d'Alésia, les contingents des socii (soldats fournis par les peuples alliés) ne devaient pas être très nombreux. Les Eduens avaient fait défection, entraînant dans leur sillage les peuples qui étaient leurs clients. Beaucoup d'autres étaient entrés en dissidence et s'étaient placés sous l'autorité de Vercingétorix. Il ne restait guère du côté des romains que les Rêmes et les Lingons, ainsi que les Ubiens qui étaient des Germains ». Y. Le Bohec, Alésia, 2012, p.83.


7) A l'exception de deux monnaies : une des Trévires, une des Aduatuques. Concernant le monnayage romain : 10 monnaies républicaines ont été récoltées dans les seuls camps B et C (rien dans le camp A). Il convient de noter aussi la présence de quelques as coupés d'époque augustéenne et de quelques monnaies impériales (4 ex.), probablement des intrusions postérieures au siège. Un corpus de monnaies républicaines très réduit donc : à la lisibilité chronologique excessivement floue, la perte de ces monnaies pourrait tout aussi bien avoir eu lieu plusieurs dizaines d’années après le milieu du premier siècle avant notre ère. Du fait de cette quasi-absence de monnayage romain, 90 à 95 % des monnaies retrouvées à l'intérieur des camps B et C sont celtiques.


8) Dont les tailles et le nombre semblent déjà étonnamment réduits pour l'immense foule des légionnaires et des serviteurs de César (cf. sujet sur la taille des camps), la présence d'un numéraire exclusivement celtique, interpelle d'autant plus.


9) B. Fischer, ibid., p.16.


10) B. Fischer, ibid, p.16.


11) Les proportions sont les suivantes, à l'exclusion des monnaies recueillies en fouille par les équipes de Napoléon III : Or = 4 / Argent = 45 / Bronze = 128 / Potins = 42 (à noter que si on comptabilise les monnaies en bronze non attribuables ou non identifiables, la proportion de ces dernières augmente encore notablement).


12) V. Guichard, P. Pion, F. Malacher, J. Collis, À propos de la circulation monétaire en Gaule chevelue aux IIe et Ier siècles av. J.-C., In : Revue archéologique du Centre de la France. T. 32, 1993. 25-55.


13) L.-P. Delestrée, La romanisation et la fin du monnayage celtique dans le Nord de la Gaule, in : Revue numismatique, T. 154, 1999, 15-40, p. 22.


14) Cette constatation de M. Poux fait suite à l'étude d'une tombe située à Paris et contenant entre autres une monnaie, des clous de caligae et des amphores Dressel 1B. Cette tombe qui pourrait être celle d'un auxiliaire gaulois de l'armée romaine suivant l'étude menée par l'auteur, serait datable entre 60 et 30 av. J.-C. La découverte d'un bronze frappé épigraphe confirme la chronologie attribuée à cette tombe. A remarquer toutefois que l'enterrement de cet auxiliaire semble plutôt se situer dans le troisième quart du premier siècle avant notre ère, en effet M. Poux précise que l'émission du bronze se produit « au plus tôt, dans cette région de la Gaule, à partir des années 50 ». M. Poux, Puits funéraire d’époque gauloise à Paris (Sénat). Une tombe d’auxiliaire républicain dans le sous-sol de Lutèce, Protohistoire Européenne 4, éditions Monique Mergoil, 1999, 92-97, p. 97.


15) Pour van Heesch, s’il est un fait indéniable, c'est qu'en Gaule Chevelue comme ailleurs, les Gaulois ont bien continué à émettre leurs monnaies à un rythme soutenu après la conquête. J. van Heesch, Les Romains et la monnaie gauloise: laisser-faire, laisser-aller ? In: J. Metzler & D. Wigg-Wolf, Die Kelten und Rom : Neue numismatische Forschungen (Studien zu Fundmünzen der Antike, 19), Mainz am Rhein, 2005 [2006], 229-245. p. 237-238. « L'apogée des frappes en bronze se situe entre César et Auguste. » J. van Heesch, La politique monétaire de Rome et les monnayages gaulois, in : Dossiers d'Archéologie, 360, Monnaies gauloises, Novembre-Décembre 2013, 76-81, p. 79.


16) K. Gruel, L. Popovitch, Les monnaies gauloises et romaines de l’oppidum de Bibracte, Collection Bibracte 13, Glux-en-Glenne, 2007, p. 103.


17) La diversité des peuples représentés au travers des pièces recueillies, sans même tenir compte des monnaies issues des fouilles napoléoniennes, des très nombreuses monnaies non identifiables et des types, est parlante. Voici les peuples représentés : Arvernes, Eduens, Sénons, Bituriges, Carnutes, Lingons, Pictons, Marseille, Suessions, Rèmes, Basse-Seine, Arécomiques, Véliocasses, Meldes, Aduatuques. De plus, de nombreux noms figurent sur les pièces : « Les pièces de la seconde moitié du premier siècle av. J.-C. portent alors le nom des chefs gaulois et de plus en plus adoptent un type individuel. » G. Depeyrot, Apothéose de la monnaie gauloise, coll. Archéologie vivante, Lacapelle Marival (Lot), 2013, p. 18.


18) En dehors de toute polémique sur l'emplacement du siège d'Uxellodunum, il faut remarquer que le site officiel du Puy d'Issolud ne livre quasiment que du matériel romain, la comparaison avec le faciès numismatique du site d'Alise est donc impossible. Seules 5 monnaies gauloises locales (sur 1940 objets métalliques), sans doute hors contexte, ont été retrouvées en prospection : 3 monnaies en argent à la croix attribuées au Cadurques, une drachme en argent à la tête triangulaire attribuée aux Cadurques et deux monnaies au nom de Luctérios. J.-P. Girault, Uxellodunum, la dernière bataille des Gaulois contre Rome, in : Archéologia, n° 503, Octobre 2012, 38-55, p. 48.


19) Y. Deberge, U. Cabezuelo, M. Cabanis, S. Foucras, M. Garcia, K. Gruel, M. Loughton, F. Blondel et P. Caillat, L'oppidum arverne de Gondole (Le Cendre, Puy-de-Dôme). In : Revue archéologique du Centre de la France, T. 48, 2009, p. 91-93. A noter, qu'une nouvelle problématique semble être née dans les derniers rapports de fouille sur l'oppidum de Corent, en effet la monnaie IIPOS y est maintenant réputée augustéenne. Nous ne prendrons pas part à cette discussion tant cette datation nous semble étrange, surtout si on la compare à ce qui est observé à Gondole. Retenons que, même si en définitive cette chronologie s'avérait probante, cela ne changerait absolument rien au facies numismatique d'Alise-Sainte-Reine, qui est de toute façon, antérieur à l'époque augustéenne. L'absence de cette monnaie y est donc normale.


20) K. Gruel, L. Popovitch, op. cit., p. 88-89.


21) S. Fichtl, Les fouilles de la porte intérieure du site fortifié de la Chaussée-Tirancourt (Somme), In : Revue archéologique de Picardie. N°1-2, 1995, 135-148, 146.


22) V. Brouquier-Reddé, K.Gruel, Le sanctuaire de Mars Mullo chez les Aulerques Cénomans (Allonnes, Sarthe) Ve s. av. J.-C. -IVe s. apr. J.-C. Etat des recherches actuelles. In : Gallia. T. 61, 2004, 291-386, p. 302-305.


23) P.-M. Guihard, J.-D. Laffite, L. Thomashausen, De l'argent pour la guerre, le trésor monétaire de Bassing (Moselle), in : L'archéologue, 124, 2013, p. 33-37.


24) D. Montigny, F. Bouvard, J. Meissonnier, L. Popovitch, H. Schomas, Piles et faces, une collection d'images monétaires, in : Archéologia, n° 481, 20-27, p. 24.


25) « En revanche, la romanisation exogène, qui devrait être matérialisée par un apport des deniers de la République, se révèle partout et sur les sites de toute nature, insignifiante ou nulle. Ainsi, la prolifération d'espèces indigènes en Gaule belgique, de la fin de la conquête jusqu'au règne d'Auguste, est beaucoup moins due à une volonté d'affirmer, face à l'envahisseur, la permanence d'une identité monétaire, qu'à l'absence d'un numéraire romain disponible ». L.-P. Delestrée, op. cit., p 30


26) « C'est notamment le cas des monnaies de la république romaine, rares en milieu gaulois, avant comme après la conquête. Limitée à quelques ensembles de la période augusto-tibérienne, leur présence est exceptionnelle dans les lots monétaires de la Tène antérieurs au milieu du 1er siècle av. J.-C. Leur concentration sur certains sites contemporains de la conquête ou postérieurs peut être mise en relation avec celle de soldats romains dont elle constituait la solde » . M. Poux (dir), Sur les traces de César. Militaria tardo-républicains en contexte gaulois, Bibracte, 2008, p. 302.


27) « Il est clair que la monnaie romaine n'a pas dû jouer un rôle prépondérant pendant cette période de César à Octave. Deniers et quinaires étaient frappés à Rome et le seul atelier monétaire romain était celui de Lyon (…). Le numéraire romain joua donc un rôle très limité, alors que la Gaule romaine était inondée par une quantité de frappes gauloises différentes ». J. van Heesch, op. cit., p. 237-238.


28) « Il a donc fallu attendre que des as, des semis et des quadrans soient frappés à Lyon sous Auguste pour que la Gaule commence à être approvisionné en menue monnaie. Pendant cette période de pénurie, une des façons de multiplier les moyens d'échanges, particuliérement les petits, à été de couper les espèces en circulation ». K. Gruel, L. Popovitch, op. cit., p. 50.


29) D’ailleurs, les quelques centaines de Germains présents dans la troupe césarienne, ne peuvent être, à l'évidence, les possesseurs de toutes les monnaies gauloises retrouvées.


30) Quelques anomalies encore non expliquées, comme l'absence de potins sénons dans les camps (alors même que César avait une importante base permanente à Sens et venait d'y passer en emmenant avec lui les légions stationnées sur place) ou au contraire une forte proportion de potins bituriges trouvés en prospection (et pourquoi pas Carnutes ? César était aussi passé par Orléans juste avant Bourges).


31) «L'Identité du mobilier numismatique des sites d'habitats mis en évidence dans le secteur. Les quinaires (argent) n'y constituent plus le lot dominant. Ici les monnaies en bronze coulé , qualifiées aussi de potins, occupent une place résolument centrale. La rupture est bien réelle et témoigne surtout d'usages monétaires différenciés. Quelle qu'en soit l'explication, les quinaires ne forment pas à l'évidence le numéraire le plus utilisé pour les échanges quotidiens ; la circulation y étant manifestement dominée par les espèces de bronze». P.-M. Guihard, J.-D. Laffite, L. Thomashausen, op. cit., p. 35.


32) Par exemple, 395 potins à la grosse tête, 405 potins à la triskèle, 176 potins à l'herbivore couché. K. Gruel, L. Popovitch, op. cit., p. 87.


33) Entre-autres, 341 potins à la tête diabolique : « Le facies monétaire gaulois du sanctuaire de Mars Mullo est atypique que plusieurs points. Même si ce facies se caractérise par une dominante locale de petits billons armoricains de type cénoman et une masse de potins à la tête diabolique ». V. Brouquier-Reddé, K.Gruel, op. cit., p. 303-304.


34) Par exemple, occupation 1 (1a et 1b) de J. Bénard entre 70 et 30 av. J.-C. (cette dernière date est sujette à caution puisqu'on note la présence de Germanus Indutilli datés de l'époque augustéenne), L'occupation 1a est antérieure au milieu du siècle = 50 % de potins, aucune monnaie romaine, 1b = 75 % de potins et apparition de monnaies romaines augustéennes. B. Fischer, Les potins d'Alésia, In : Gallia. T. 52, 1995. 37-42 , p. 41. L'analyse de B. Fischer est basée sur la thèse de J. Bénard datée de 1989. Une autre analyse numismatique datée, elle de 2002 et conçue sur un ouvrage du même auteur (J. Bénard, L'agglomération de l'Oppidum d'Alésia à la Tène D2 : un exemple de proto-urbanisation en Gaule, 1997) présente des conclusions différentes. Il semblerait qu'en 1997 l'horizon 1b ne comporte plus de monnayage augustéen ce qui de fait aboutit à une chronologie assez éloignée de celle de Fischer : « Or, l'occupation 1b est clairement qualifiable de la Tène D2a... ». Nous ne savons pas comment s'explique cette différence d'appréciation, mais ce flou sur la récolte est préjudiciable à l'analyse numismatique des niveaux précoces du site d'Alise ; ceci dit, ce problème ne remet pas en cause la circulation essentiellement locale des émissions de potins. P. Barral, J.-P. Guillaumet, P. Nouvel, Les territoires de la fin de l'âge du Fer entre Loire et Saône : les Eduens et leurs voisins. Problématique et éléments de réponse, in : Garcia (D.), Verdun (F.) dir. - Territoires et agglomérations des peuples protohistoriques de l'Europe occidentale, actes du XXIVème colloque de l’Association Française pour l’Etude de l’Age du Fer (Martigues, 1er-4 juin 2000), Paris, Errance, 2002, p. 271-296, p. 281.


35) De nombreux effectifs servent par exemple pendant les guerres civiles à Rome : «  La persistance de forts contingents de cavaliers gaulois dans les rangs des protagoniste de la Guerre Civile, de -49 à -31...» A.Deyber , Les Gaulois en guerre. Stratégies, tactiques et techniques. Essai d’histoire militaire (IIe/Ier siècle avant J.-C). Paris, Errance, 2009, p 251.voir aussi p 91-92 : « A la lumière des textes littéraires et des quelques monuments commémoratifs, il apparaît donc que la Gaule s’est fréquemment soulevée au cours du demi-siècle qui a suivi la conquête césarienne. Nous ne connaissons en détail ni le nombre des théâtres d’opérations ni celle des campagnes militaires, et nous sommes encore moins documentés sur les grandes phases de leur déroulement ».


36) « Combien d'auxiliaires gaulois participent aux Guerres romaines entre 52 et 31 ? Il est difficile d'avancer un chiffre précis. Certains auteurs parlent de 50000 ; on peut raisonnablement estimer leur nombre à quelques dizaines de milliers au total, essentiellement des cavaliers ». L. Pernet, Armement et auxiliaires gaulois (IIe et 1er siècle avant notre ère), 2010, p. 176-178, p. 178.


37) « Les quinaires d'argent gaulois, espèce par essence interrégionale » . P. Barral, J.-P. Guillaumet, P. Nouvel, op. cit., p.281.


38) « Quant à la circulation militaire - et la remarque vaut bien au delà du Belgium - on est en droit de se demander si l'on est encore en présence d'un monnayage purement gaulois dont les séries en argent gardent leur spécificité, ou d'une sorte de monnayage provincial servant d'appoint ou même de substitut au numéraire romain défaillant, dès qu'il s'agit de solder au moins les troupes auxiliaires ». L.-P. Delestrée, op. cit., p 27.


39) « On peut accepter que la Chaussée-Tirancourt ou le Titelberg connurent une occupation militaire par des auxilia dans les années 40-30, mais c'étaient probablement des auxiliaires gaulois qui étaient essentiellement payés en argent gaulois » . J. van Heesch, op. cit., p.234.235.


40) L. Popovitch, Les monnaies romaines, in : M. Reddé et S. von Schnurbein, op. cit, p. 78-79. A noter que la situation est à l'opposée de celle qui existe pour les monnaies celtiques. Est-on réellement sur le même événement ?


41) L'hypothèse d'une construction par les troupes romaines reste valide, mais tout aussi valable serait-celle d'une conception par des gaulois déjà imprégnés de culture romaine : « Contrairement au monde grec et romain, le tracé quadrangulaire est rare dans le monde celtique. On ne le rencontre que sur un seul site. Pour l'ensemble de ces oppida, le terrain se prête généralement à une forme régulière, mais, dans tous les cas, celle-ci a demandé un important travail de géomètre ou de topographe ». S. Fichtl, Murus et pomerium : réflexions sur la fonction des remparts protohistoriques, in : Revue archéologique du Centre de la France, T. 44, 2005, p 62.


42) L'analyse de cette situation par K. Gruel est ambigüe, elle signale que les monnaies sont tardives et vraisemblablement postérieures à la conquête, mais privilégie nettement, à l'aide du texte césarien, une arrivée sur l'oppidum de Bibracte au moment de la Guerre des Gaules. Elle se borne à proposer que « le séjour d'auxiliaires arvernes, une dizaines d'années après la conquête, peut même être envisagé ». Cette chronologie, d'une prudence extrême, ne se justifie pas réellement, en effet parmi certaines émissions des années 60-50 (ADCANAUNOS, ), on trouve des monnaies diffusées très nettement à la période augustéennes ou pré-augustéennes (IIPAD, VERCA, SIIX.F T.POM). Il faut donc admettre, soit plusieurs pertes sur le site, chronologiquement échelonnées, soit une arrivée « unique » et plus importante au début de la période augustéenne, peut-être par des auxiliaires.


43) Quoique M. Poux semble tenté de remonter très nettement la datation augustéenne de ces monnaies pour la situer autour de la conquête : « Leur présence sur plusieurs sites militairement occupés à l'époque de la conquête (Bâle, Paris, Melun, Gergovie) corrobore l'hypothèse de leur utilisation pour la solde des auxiliaires ». La présence d'au moins deux sites dont les occupations semblent plutôt augustéennes, incite à la prudence, nous nous contentons donc pour l'instant de la datation en vigueur, vers 10 av. J.-C. M. Poux (dir), op. cit., p. 305


44) K. Gruel date ces monnaies entre 50 et 40 av. J.-C., mais cette chronologie semble un peu haute puisque cette monnaie est particulièrement présente à Gergovie et absente à Gondole. Elle serait donc au mieux datable entre 40 et 30 av. J.-C. Si le siège d'Alise se situait dans cette période alors que cette monnaie est toute récente, cela expliquerait peut-être cet unique exemplaire, à moins que ce ne soit sa faible diffusion (1 seul ex. à Bibracte). K. Gruel, L. Popovitch, op. cit., p 177.


45) K. Gruel, L. Popovitch, op. cit., p. 88. En définitive, K. Gruel confirme que si nous n'étions pas de manière « certaine » à Alésia, nous aurions là le facies parfait pour une armée majoritairement constituée d'auxiliaires post-conquête (D'autant plus qu'on pourrait admettre que le site d'Alésia soit laissé sous surveillance après le siège et qu'un des camps soit resté occupé pendant quelques décennies, mais qu’ils le soient tous ?).


46) A noter qu'il n'a été retrouvé à Alise aucun monnayage gaulois tardif, augustéen ou pré-augustéen, en nombre significatif. Un siège d'Alise semble alors totalement exclu dès l'époque augustéenne, soit vers 27 av. J.-C.


47) S. Nieto, La Place du monnayage arverne dans le monnayage gaulois du centre et du sud de la Gaule aux IIe et Ier siècles av. J.-C., Lille, 2003, p.461.


48) G. Depeyrot, op. cit., p. 81.


49) S. Nieto, op. cit., p. 461.


50) Notons que de nombreuses pièces présentent un poids inférieur à 1,60 g alors qu'un poids supérieur à 2,00 g est exceptionnel. B. Fischer, K. Gruel, op. cit., p. 21-39.


51) Même situation à Bassing où le poids des pièces en argent du trésor monétaire se situe en moyenne entre 1,80 et 1,90 g. Rappelons que ce trésor aurait été enfoui pendant les trois dernières décennies du 1er siècle av. J.-C. P.-M. Guihard, J.-D. Laffite, L. Thomashausen, op. cit., p.33.

 

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