L'état des monnaies arvernes retrouvées à Alise-Sainte-Reine

 

 

Des monnaies à la fabrication peu soignée :

 

Les monnaies arvernes découvertes à Alise-Sainte-Reine sont pour la plupart de fabrication médiocre, le même problème existe pour les monnaies en or au nom de Vercingétorix qui seraient « baclées » (1), nous aurions là le signe d'émissions réalisées dans l'urgence de la guerre, en 52 av. J.-C. :

 

Les pièces d'argent retrouvées lors des fouilles du XIXème siècle :

 

« Les 25 pièces d’argent sont lourdes. Neuf exemplaires sont de fabrication défectueuse : ils ont, en effet, été frappés avec des coins trop grand pour la taille des flancs. Les images empreintes sur les deux faces sont toujours incomplètes, le plus souvent décentrées, d’où les difficultés que nous rencontrons pour l’identification des types. (2) »

 

Les pièces de bronze retrouvées lors des fouilles du XIXème siècle :

 

Monnaie type LT XII, 3894, CICIIDV BRI/IIPAD. Crédit : K. Gruel, L. Popovitch.
Monnaie type LT XII, 3894, CICIIDV BRI/IIPAD. Crédit : K. Gruel, L. Popovitch.

« Soixante-huit bronzes complètent cette distribution. Les plus nombreux (55 exemplaires) sont de type LT XII, 3894, à légende CICIIDV BRI/IIPAD. La plupart de ces pièces sont de fabrication très médiocre : module réduit, mauvais centrage, gravure défectueuse et usure avancée (3). »

 

Ces nombreuses anomalies pourraient signifier que nous avons donc bien là un événement de 52 av. J.-C., les monnaies émises en hâte dans les mois précédant le siège d'Alésia ayant été acheminées sur le site d'Alise par les troupes arvernes et leurs alliés. Cette situation a été résumée ainsi par B.Fischer à propos des monnayages d'or au nom de Vercingétorix ou des bronzes au même type :

 

« La pression des événements. Il a fallu émettre, en toute hâte, un monnayage d'or. Vercingétorix en avait-il besoin pour s'assurer des alliés, constituer une grande armée ? (4)»


Cette émission monétaire massive semble d'ailleurs confirmée par Jules César lui-même :

 

César, B.G. 7.63 : « Des députations sont envoyées sur tous les points ; crédit, autorité, argent, tout est mis en usage pour gagner les différents états. »


En effet, suivant toutes les données disponibles, les pièces arvernes retrouvées à Alise-Sainte-Reine ont bien été émises au cours du premier siècle avant notre ère, et tout particulièrement vers le milieu du siècle (5). D'autre part, la piètre qualité apportée à leur fabrication pourrait être significative d'une période particulière liée à la Guerre des Gaules (6).

Nous avons donc incontestablement autour d'Alise les témoins monétaires d'une émission arverne autour de l'époque de la Guerre des Gaules et pour de très nombreuses pièces les indices d'une fabrication à l'époque même du siège d'Alésia.

 

Et très souvent usées :

 

Par ailleurs, si ces pièces sont mal fabriquées, il faut remarquer qu'en

52 av. J.-C. leur émission est très récente, elles sont donc neuves ou contemporaines des dernières années de campagne césarienne. Or, celles retrouvées à Alise-Sainte-Reine sont usées par de nombreuses années d'utilisation quotidienne :

 

« Les observations concernant ces monnaies (N.B. CICIIDV BRI/IIPAD) peuvent s’appliquer à l’ensemble des bronzes : leur médiocre réalisation technique et leur usure attestant une circulation prolongée sont des caractères frappants. (7) »


Dans le cas d'un événement du milieu du premier siècle avant notre ère ces pièces devraient, manifestement, être plus ou moins neuves, comment pourraient-elles être usées par une utilisation prolongée ?

Monnaie type LT XII, 3894, CICIIDV BRI/IIPAD Retrouvée à Alise-Sainte-Reine, la pièce présentée est en relativement bon état contrairement à la majorité du corpus. Crédit : K. Gruel, L. Popovitch
Monnaie type LT XII, 3894, CICIIDV BRI/IIPAD Retrouvée à Alise-Sainte-Reine, la pièce présentée est en relativement bon état contrairement à la majorité du corpus. Crédit : K. Gruel, L. Popovitch


52 av. J.-C. ?

 

Les pièces arvernes trouvées à Alise-Sainte-Reine sont donc, pour une partie, frappées en 52 av. J.-C. ou peu avant (8). Dans le cas d'un siège de la même époque, ces pièces même baclées, devraient être neuves ou peu usées. Or, ces pièces qui ont circulé pendant une longue période avant d'être perdues sur le champ de bataille d'Alise-Sainte-Reine indiquent clairement que nous nous situons là plusieurs années après le milieu du premier siècle de notre ère.

Sans émettre d'hypothèse hasardeuse sur le nombre d'années écoulées depuis l'époque d'émission de ces monnaies, il paraît difficile d'admettre qu'elles aient pu être usées en quelques semaines ou quelques mois. Est-il dès lors raisonnable de penser que nous sommes bien ici en présence d'un événement de 52 av. J.-C. ?

Monnaies type LT XII, 3894, CICIIDV BRI/IIPAD Retrouvées à Alise-Sainte-Reine, la plupart des pièces retrouvées sont dans un état plus ou moins similaire. Crédit : K. Gruel, L. Popovitch
Monnaies type LT XII, 3894, CICIIDV BRI/IIPAD Retrouvées à Alise-Sainte-Reine, la plupart des pièces retrouvées sont dans un état plus ou moins similaire. Crédit : K. Gruel, L. Popovitch

 

 

NOTES ET REFERENCES :

 

(1) B. Fischer, Les monnaies à légende Vercingétorix, in : C. Goudineau, Le dossier Vercingétorix, Actes Sud/Errance, Paris, 2001, p. 317-324, p. 319.

(2) B.Fischer, Les monnaies gauloises : enseignements et questions, in : M.Reddé et S. von Schnurbein (dir.) et alii,, Fouilles et recherches franco-allemandes sur les travaux militaires romains autour du mont Auxois (1991-1997), Mémoire de l'académie des inscriptions, vol. 2, Paris, 2001, 11-19, p.12.

(3) B. Fischer, ibid, p.12.

(4) B. Fischer, op. cit., p. 322.

(5) En 1993, la chronologie des monnaies arvernes retrouvées à Alise-Sainte-Reine se trouvait confirmée par la comparaison des faciès monétaires présents sur les principaux sites de la région clermontoise : « Le faciès monétaire arverne que présente cette collection, s'intègre sans difficulté dans l'évolution observée en Auvergne, tant pour le bronze que pour l'argent. Voilà qui conforte sa crédibilité et fournit un point d'ancrage chronologique précis pour le monnayage arverne. » V. Guichard, P. Pion, F. Malacher, J. Collis, À propos de la circulation monétaire en Gaule chevelue aux Iie et Ier siècles av. J.-C / About the circulation of coinage in gallia comata in the second and first centuries BC, In : Revue archéologique du Centre de la France. T. 32, 1993. 25-55, p. 33.

(6) C'était déjà l'opinion du docteur Colbert de Beaulieu qui voyait dans l'émission de bronzes frappés au même type que les statères d'or « une pressante nécessité » à relier selon lui au siège césarien : « Ces bronzes sont venus sur ce site -on peut en être assuré- en raison des événements de 52 ». J.B. Colbert De Beaulieu, G. Lefèvre, Les monnaies de Vercingétorix, in : Gallia, T.1, fasc. 1, 1963, 11-75, p. 63.

(7) B. Fischer, op. cit., p. 12-13.

(8) « Il est en effet possible que, dans ce contexte (nb. Guerre des Gaules), les autorités émettrices aient été confrontées au problème de devoir payer des hommes engagées de plus en plus nombreux dans la guerre contre Rome. » S. Nieto, J.-N. Barrandon. Le monnayage en or arverne : essai de chronologie relative à partir des données typologiques et analytiques, in : Revue numismatique, 158, 2002. p. 80. Voir aussi : S. Nieto, Monnaies arvernes (Vercingétorix, Cas) en orichalque. In : Revue numismatique, 6e série, T. 160, 2004. p. 461.

Il semble que la situation ait été du même ordre pour la plupart des peuples concernés par la guerre contre César : « L'augmentation des frappes monétaires lors de la Guerre des Gaules alla de pair avec des entrevues, des débats et des réunions. Ces assemblées devaient certainement discuter des tactiques et des stratégies, mais aussi des moyens financiers à réunir contre César. » G. Depeyrot, Des dieux, des chevaux et des hommes. in : L'archéologue, Les peuples gaulois, 118, 2012, 12-33, p. 19. Plus récemment : « Les chefs gaulois émetteurs ont participé à la guerre à la tête de leur armées de mercenaires et c'est vraisemblablement pour les payer qu'ils se sont décidés à frapper monnaie. » G. Depeyrot, Apothéose de la monnaie gauloise, coll. Archéologie vivante, 2013, p. 17.

 

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