Le nombre très important de pièces Arvernes trouvées à Alise-Sainte-Reine (97 exemplaires) attesterait formellement de la présence de l’armée de Vercingétorix (1), on trouve dans cet ensemble « quatre monnaies de bronze qui sont, malgré cet alliage commun, des témoins majeurs. En effet, elles sont frappées aux mêmes types que les statères d’or (2) deux portent le nom de Vercingétorix ; deux autres appartiennent à une série contemporaine de Vercingétorix. Les deux premières ont été frappées avec des coins qui ont servi pour le monnayage d’or : pour les numismates, il s’agit d’une « hérésie ». Elle ne s’explique que par des circonstances exceptionnelles, tel le manque d’or. De plus, ce sont les seules pièces de ce type trouvées en dehors du territoire Arverne et elles supposent nécessairement la présence du chef gaulois (3) ».
Des monnaies de bronze ?
On sait depuis 2004 que les quatre monnaies de bronze retrouvées à Alise sont en réalité constituées d'un alliage différent, l'orichalque (ou laiton). Tout comme le bronze, cette monnaie est majoritairement constituée de cuivre, mais au lieu de lui adjoindre de l'étain, on y trouve du zinc en proportion plus ou moins importante.
L'effet obtenu permet d'obtenir une monnaie de couleur jaune qui présente alors la particularité de ressembler à l'or, sans pour autant qu'il soit possible de se tromper, une monnaie en orichalque étant beaucoup plus légère qu'un statère d'or (4) (5).
Apparition du monnayage en orichalque :
L'autre particularité de ce type de monnayage, c'est qu'il est totalement absent de l'ensemble du corpus des monnaies gauloises connues au milieu du premier siècle av. J.-C.
Les monnaies en orichalque semblent apparaître en Asie mineure au cours du premier siècle av. J.-C. avant de gagner le territoire romain, peut-être vers le milieu du siècle ; la pièce romaine la plus ancienne connue daterait de 45 av. J.-C. (6).
Ce n'est réellement qu'à partir de l'époque augustéenne que l'alliage en laiton est utilisé à Rome dans la fabrication du monnayage (7).
Quant aux pièces en laiton gauloises, aucune émission n'est actuellement recensée sur le territoire Gaulois
avant les trois dernières décennies du premier siècle av. J.-C. (8) (9). En 52 av. J.-C. elles n'existent pas
encore, dans le meilleur des cas, et en l'état actuel des connaissances, les gaulois n'ont pu fabriquer des monnaies en laiton qu'après les premières émissions romaines, soit après 45 av.
J.-C.
Types Gaulois en orichalque :
Tous les types sont datés de la période augustéenne, soit postérieurement à 30 av. J.-C. (10), il y a là parfaite concordance de temps avec la diffusion de l'orichalque romain.
Exemplaires CONTOVTOS chez les Santons
Exemplaires ARECTORI, ANNICCOIOS, LVCCIOS, VRIDO.RVF chez les Pictons
Exemplaires attribués aux Aulerques Cénomans
Exemplaires VERCA chez les Arvernes (11)(12)(13)
De l'orichalque gaulois en 52 av. J.-C. ?
L’alliage utilisé pour fabriquer ces monnaies est, de toute évidence, parfaitement identifié, pourquoi alors, de manière récurrente et encore récemment, à l’instar de J.-L. Voisin (14) continuer à affirmer que ces monnaies sont de bronze ?
« En ce qui concerne les Arvernes, les monnaies les plus intéressantes sont faites d'un alliage vil : le bronze. Il s'agit de quatre exemplaires frappés au même types que les statères d'or (…) et qui ne présentent pas la moindre trace de métal précieux. Ce sont deux monnaies de Vercingétorix et deux pièces qui appartiennent à une série identique (15)».
« Les deux seules monnaies frappées au nom de Vercingétorix trouvées à l'extérieur du territoire arverne ont été découvertes lors des fouilles de Napoléon III à Alise. Elles présentent la particularité d'être en bronze (16)».
Le bronze est un alliage commun, au contraire du monnayage en orichalque qui, à preuve du contraire, n'existe pas encore, chez les gaulois comme chez les romains, au milieu du 1er siècle avant notre ère.
Par ailleurs, comme il n'existe pas d'autres découvertes du même type, ces « copies » n'ont pu bénéficier d'aucun élément de comparaison. Il n’existe donc pas de chronologie connue pour ce type de monnaie, qu’elle soit de bronze ou d’un autre alliage. Dès lors, affirmer que nous sommes bien là en présence de monnaies frappées par Vercingétorix lui-même n'est que pure spéculation et ne repose sur aucune base scientifique fiable.
Il est donc peut-être plus prudent de continuer de parler de monnaies en bronze, la communication numismatique qui consiste à continuer à qualifier ainsi des monnaies en orichalque, n'étant de toute évidence pas liée à un manque de connaissance.
Aurions-nous alors affaire simplement à une hypothèse trop fragile (17) ?
A noter que de nouveaux éléments sont disponibles en rubrique Addenda : Orichalque (MAJ 2016).
(1) M. Reddé, Alésia. L'archéologie face à l'imaginaire, Paris, 2003, p. 193.
(2) Qu’est-ce qu’un statère d’or : http://jfbradu.free.fr/celtes/burdigala/or.php3 et http://www.sacra-moneta.com/Numismatique-gauloise/Le-celebre-Statere-en-or-de-Vercingetorix.html , pour plus de détail sur les statères au nom de Vercingétorix : J.-B. Colbert De Beaulieu, G. Lefèvre, Les monnaies de Vercingétorix. In: Gallia,. Tome 21, fascicule 1, 1963. p.11-75.
(3) J.-L. Voisin, Alésia - Un village, une bataille, un site, Editions de Bourgogne, 2012. p. 174-175. Pour des explications détaillées, consulter le rapport de fouille et notamment les pages 11 à 12 et catalogue p. 22. B. Fischer, Les monnaies gauloises : enseignements et questions, in : M.Reddé et S. von Schnurbein (dir.) et alii,, Fouilles et recherches franco-allemandes sur les travaux militaires romains autour du mont Auxois (1991-1997), Mémoire de l'académie des inscriptions, vol. 2, Paris, 2001.
(4) S. Nieto-Pelletier, Les monnaies de Vercingétorix, reflet d'une politique monétaire gauloise, Microscoop, 2010, p. 33.
(5) De 4,36 g à 6,24 g pour l'orichalque contre 7,31 g à 7,47 g pour l'or. S, Nieto, Monnaies arvernes (Vercingétorix, Cas) en orichalque. in : Revue numismatique, 6e série - Tome 160, 2004, p. 7-9.
(6) http://www.etna-mint.fr/index.php?page=laiton
(7) La réforme monétaire augustéenne qui généralise l'orichalque intervient en 23 av. J.-C. Gaffiero, F. Téreygeol, A. Suspène, Gratuze et S. Zeller, La production monétaire romaine en orichalque : caractérisation du monnayage et approche du processus d’élaboration par l’expérimentation, ArchéoSciences, 35, 2011, 93-102.
(8) « La principale nouveauté dans ce domaine est la mise en évidence de monnaies arvernes en orichalque (en laiton) en particulier les séries à légende CAS et les statères de Vercingétorix d'Alésia (Niéto 2004). L'usage de cet alliage monétaire à base de zinc n'était jusqu'à présent attesté que pour l'époque romaine. L'ampleur de son usage à l'époque gauloise reste à déterminer ». K. Gruel, C. Haselgrove, Le développement de l’usage monétaire à la fin de l’Âge du Fer en Gaule et dans les régions voisines. In : Haselgrove C. (dir.). — Les mutations de la fin de l’Âge du Fer : actes de la table ronde de Cambridge, 7-8 juillet 2005. Glux-en-Glenne : Bibracte, Centre archéologique européen, 2006, 117-138, p. 127.
(9) A noter que si l'orichalque ou laiton ne semble pas exister en tant que monnaie en Gaule à l'époque de César, un alliage cuivre-zinc obtenu par cémentation semble par contre déjà connu au 1er siècle av. J.-C. en Europe occidentale. S. Nieto, op. cit., p. 6.
(10) S. Nieto, ibid, p. 6 et p. 12.
(11) Corent - Voyage au coeur d'une ville gauloise, dir : Matthieu Poux, Errance, Paris, 2011, tableau p. 245.
(12) « La présence d une monnaie à la légende VERCA immédiatement à la base du mur 20187 permet de fixer un TPQ pour l'installation de ce bâtiment. Ce type de monnaie est considéré comme datant du début de la période augustéenne». T. Pertlwieser, Y. Deberge, Recherches sur les fortifications de l'oppidum de Gergovie. Fouille du rempart sud-ouest et de la Porte Ouest. Rapport intermédiaire de fouille pluriannuelle (2005-2007). Mirefleurs, Clermont-Ferrand : ARAFA, SRA d'Auvergne, 2007, p. 26. Ainsi que p. 119 : « La datation des VERCA, attribués par plusieurs numismates à Vercassivellaunos, parent de Vercingétorix qui participe activement aux événements de l année 52 av. J.-C., est moins certaine. (...) Sur 82 monnaies comptabilisées sur le site voisin de Gondole, dont l’occupation est tout entière comprise dans La Tène D2, aucun VERCA n a été identifié ».
(13) Concernant l’absence des monnaies VERCA sur l’oppidum de Gondole, consulter : Y. Deberge, U. Cabezuelo, M. Cabanis, S. Foucras, M. Garcia, K. Gruel, M. Loughton, F. Blondel, P. Caillat, L’oppidum arverne de Gondole (Le Cendre, Puy-de-Dôme). Topographie de l’occupation protohistorique (La Tène D2) et fouille du quartier artisanal : un premier bilan, in : Revue archéologique du Centre de la France, Tome 48, 2009, 4.4.6. Les monnaies (KG,YD), p. 91-93.
(14) Cf. citation de J.-L. Voisin dans la partie « Argument ».
(15) B. Fischer, Les monnaies gauloises du siège d'Alésia, in : Alésia - Comment un oppidum gaulois est entré dans l'histoire, dossier d'archéologie, n°305, Dijon, 2005, 72-77, p. 72.
(16) C. Grapin, Le témoignage des monnaies, in : Archéologia, Muséoparc Alésia, Hors-série n°14, 2012, 68-70, p. 69.
(17) Nous ne prenons pas position sur l’hypothèse de refonte de fibules (ou bracelets) qui permettrait d'obtenir les pièces en orichalque retrouvées à Alise, bien que nous aurions alors affaire à des gaulois assiégés censés refondre les fibules des assiégeants…
La simple récupération d’un nombre suffisant de fibules romaines pose déjà un problème quasi insoluble.
En terme de chronologie et sans rentrer dans le détail, l’étude de S. Nieto démontre que les monnaies alisiennes se caractérisent par un alliage comportant en moyenne 12 % de zinc alors que les autres monnaies gauloises en orichalque, retrouvées ailleurs en Gaule, présentent un pourcentage compris entre 12.8 % (en moyenne) pour les VERCA et de 13 à 23,3 % pour les autres types. Du fait de ces différences de teneur elle en déduit ainsi une différence chronologique d’émission entre les monnaies retrouvées à Alise et les autres, ces dernières présentant par ailleurs un pourcentage de plomb inférieur. Les monnaies alisiennes ne seraient donc pas diffusées à la même époque. Considérant les très faibles teneurs en plomb concernées et la finesse de l’analyse, nous nous garderons de tout commentaire. Toutefois il faut remarquer que l’auteur de l’étude prend malgré tout une certaine liberté avec l’hypothèse de la refonte de fibules ou de bracelets puisqu’elle note page 16 que ce type d’objet en orichalque actuellement recensé en Gaule pour l’époque concernée se caractérise par une teneur en zinc à hauteur de 20 %. Comment expliquer alors, qu’à partir de la refonte de ces objets à 20 % de zinc, on puisse en arriver à une teneur de 12 % pour des monnaies réputées frappées par Vercingétorix ? S. Nieto, op. cit., p. 5-25.
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