La plaine de trois mille pas devant Alise-Sainte-Reine

 

 

César, citations : Devant la ville s'étendait une plaine d'environ trois mille pas de longueur. B.G. Livre 7, 69.

Pendant les travaux, il y eut un combat de cavalerie dans cette plaine entrecoupée de collines et qui s'étendait dans un espace de trois mille pas, comme nous l'avons dit plus haut. B.G. Livre 7, 70.

Ayant le lendemain fait sortir la cavalerie de leur camp, ils couvrent toute cette plaine que nous avons dit avoir trois mille pas d'étendue. B.G. Livre 7, 79.

 

Vue de l’environnement d’Alise-Sainte-Reine. Crédit : Géoportail.
Vue de l’environnement d’Alise-Sainte-Reine. Crédit : Géoportail.

D'après la plupart des auteurs ayant défendu le site d'Alise, César n'aurait pas le souci de la description topographique (1), la plaine des Laumes correspondrait donc approximativement à celle décrite dans le B.G., et chaque auteur alisien a exposé la manière dont il convient de calculer ces 3000 pas.

 

- M. Reddé trace une ligne en diagonale à partir de l'oppidum (2).

- J. Carcopino mesure la plaine en largeur entre Pouillenay et le Réa (3).

- J. Le Gall hésite entre une surface comprise entre la montagne de Flavigny et l'Oze (4), et une distance à mesurer en arc de cercle entre Flavigny et la montagne de Bussy (5).

- Même arc de cercle pour J.L. Voisin (6) mais analyse différente quelques pages plus avant puisque la plaine engloberait celle de l'Oze et l'Ozerain et s'étendrait jusqu'à la Brenne (7).

- C. Grapin est lui, catégorique, la plaine faisant exactement la dimension voulue si on ne la mesure pas en ligne droite (8).

- Quant à Y. Le Bohec il précise que la plaine des Laumes elle-même, ferait 4,400 mètres de large, mais dans le sens nord-sud (9).

Plaine des Laumes, matérialisation, suivant les auteurs, des 3000 pas décrits par César. Crédit : Géoportail
Plaine des Laumes, matérialisation, suivant les auteurs, des 3000 pas décrits par César. Crédit : Géoportail

Pas de correspondance avec la description césarienne ?

 

La forme même de la plaine en face de l'oppidum alisien et sa longueur nord-sud empêche tout calcul objectif. Suivant les points de vue adoptés, la plaine peut dépasser les 20 km de longueur, et fait au minimum une quinzaine de km si on la limite arbitrairement entre les villages de Fain-Lès-Montbard au nord et Pouillenay au sud. De plus, sa surface est parfaitement plane et elle n'était à priori pas couverte de forêts à l'époque du siège (10); cela implique qu'aucun obstacle (à l'exception de la Brenne d'ailleurs non citée dans le B.G.) ne pouvait limiter l'espace décrit par César, comme cela a été lu parfois.

De surcroit, la citation du B.G. (7.79), implique de toute évidence que l’espace à l'Est de la Brenne (en face de l'oppidum), entièrement occupé par les retranchements romains n’a pu accueillir la cavalerie gauloise, seule la partie occidentale de la plaine peut être concernée par cette action. De la même manière, il semble évidemment impossible que 8000 cavaliers gaulois aient pu occuper « toute » la plaine des Laumes (11).

 

Une plaine topographiquement incompatible avec le texte :

 

Personne ne sait ce que César voulait exprimer en précisant par trois fois que la plaine devant l'oppidum d'Alésia s'étendait sur trois mille pas (12), était-ce une indication topographique, stratégique, ou les deux à la fois ? Toujours est-il qu'aucun auteur alisien ne s'accorde sur la manière dont il convient de traiter cette question, ces tâtonnements mettent alors singulièrement en lumière l'inadéquation de la topographie de la plaine des Laumes avec l'indication césarienne (13).

 

 

 

NOTES ET REFERENCES :

 

1) En dernier lieu : Y. Le Bohec, Alésia, 2012, plusieurs chapitres sont concernés, voir notamment p. 102. Voir aussi le sujet sur « les pièges » qui revient longuement sur cette notion.

2) « La longueur de cette plaine, mesurée du pied de l'oppidum (secteur des trois ormeaux) jusqu'à l'endroit où elle se referme (Grignon) est de 4,5 kilomètres, pour une largeur de 2,5 à 3 kilomètres, que l'on pourra comparer avec les données de César (une plaine dont la longueur est d'environ trois milles, soit 4,4 kilomètres, mesurés dans le sens est-ouest de la pente des cours d'eau ». M. Reddé, Alésia. L'archéologie face à l'imaginaire, Paris, 2003, p. 133.

3) « L'intervalle que bornent ces deux musoirs est le seul qui intéresse les opérations de César devant Alésia : ante id oppidum (…) Cette longueur de 4440 mètres, bien loin de définir la plus grande dimension de la plaine des Laumes, s'applique à la section de cette plaine dont les extrémités se heurtent aux collines qui l'interceptent ». J. Carcopino, Alésia et les ruses de César, Paris, Flammarion, 1958, p.30.

4) « Ce combat s'est déroulé dans la plaine de trois mille pas qui s'étendait en avant de l'oppidum, c'est à dire dans la plaine des Laumes entre le mont Auxois et la Brenne, les basses pentes de la Montagne de Flavigny et l'Oze ». J. Le Gall, Alésia. Archéologie et histoire, Fayard, Paris, 1963, p. 84.

5) « On est frappé par la grande plaine en croissant, qui s'étale à l'ouest devant le Mont Auxois. De fait on compte quelque 4500 m. équivalents à 3000 pas romains, de la Montagne de Flavigny à la montagne de Bussy, distance à mesurer en arc de cercle, mais pas en ligne droite comme on l'a parfois prétendu ». J. Le Gall, La bataille d'Alésia, Publications de la Sorbonne, Paris, 2000, p. 44.

6) Plan de la page 62. J.-L. Voisin, Alésia - Un village, une bataille, un site, Editions de Bourgogne, 2012.

7) Du moins, jusqu’à un point précis du parcours de la rivière : « … deux petites vallées sinueuses, creusées par deux rivières : l'Oze au nord, l'Ozerain au sud. Toutes deux rejoignent la Brenne, à l'ouest, dans une plaine alluviale large de plus de trois km, la plaine des Laumes qui se rétrécit 4 km plus en aval sur la vallée même de la Brenne ». J.-L. Voisin, op. cit., p. 58.

8) « La plaine est bien de trois mille pas, soit 4,5 km, si on ne mesure pas le terrain en ligne droite ». C. Grapin, in : Côte-d'Or : L'irréductible bataille d'Alésia, Dijonscope, Dijon/Bourgogne, 2011. Lire en ligne :
http://blogs.mediapart.fr/edition/dijon-bourgogne/article/020211/cote-dor-lirreductible-bataille-dalesia

9) « La partie occidentale de ce paysage est constitué par la vaste plaine des Laumes, large de 4400 mètres entre Les Laumes et pouillenay » . Y. Le Bohec, op. cit., p. 119. A remarquer que pour limiter la plaine des Laumes à la dimension donnée par César, l’auteur n’hésite pas à tirer un trait Est-Ouest au niveau des Laumes pour barrer la plaine, mais alors que faire toute la partie située au Nord de cette même ligne ?

10) Comme aujourd'hui, le paysage était ouvert, c'est du moins ce qu'indiquent les analyses anthracologiques et palynologiques effectuées à l'occasion des fouilles : « La plaine devait être occupée par une prairie herbacée, comme l'indique le fort pourcentage de cypéracées (pourcentage supérieur à 5%) avec un liseré d'arbres sur les berges (Salix, environ 5%) mais pas de forêt-galerie marécageuse, dont nous n'avons aucun argument sédimentologique par ailleurs. ». C.Petit, L'environnement du site d'Alésia, in M.Reddé et S. von Schnurbein (dir.) et alii,, Fouilles et recherches franco-allemandes sur les travaux militaires romains autour du mont Auxois (1991-1997), Mémoire de l'académie des inscriptions, vol. 1, Paris, 2001, p. 97.

11) « 8000 cavaliers obtureraient une surface de 40 hectares. C'est bien peu assurément pour remplir les 2500 hectares de la plaine des Laumes ». P. Aymard, Alésia... La vérité cachée dans les textes, 2009, p.68. Voir aussi page 128 : Sur les faibles effectifs de la cavalerie de l'armée dite de secours alors qu’il s’agissait de l’arme gauloise la plus efficace en plaine : « Cet effectif réduit n'étonne plus du tout, par contre, lorsque l'action se situe dans un paysage de montagne aux vallées étroites » ce qui est le cas par exemple de la Franche-Comté. Pour J.-L. Brunaux, César exagère : « La formule est excessive », « la profondeur du front ne put être importante, quelques lignes seulement », et il ajoute en note 7 : « Les 8000 cavaliers de l'armée de secours ne pouvaient occuper densément plus de 400 hectares à eux seuls ». J.-L. Brunaux, Alésia, Gallimard, 2012, p. 102.

12) « La longueur de la plaine fait couler beaucoup d'encre elle aussi. Le chiffre peut être tenu pour certain puisqu'il est le même dans toutes les familles de copies ». C. Grapin, Le témoignage de César, in : Archéologia, Muséoparc Alésia, Hors-série n°14, 2012, p. 22.

13) De la même manière, existe-t-il une différence entre les descriptions topographiques qui seraient sujettes à caution et les descriptions géographiques qui, elles, seraient exactes ? « Toutefois, l'essentiel du texte reste une source d'autant plus fiable qu'il est de première main et qu'il a été écrit pendant les événements ou juste après à partir de notes. A ce titre, les indications géographiques que donne César s'avèrent toujours exactes. Elles sont à porter au crédit de huit campagnes successives qui l'ont amené à parcourir les territoires gaulois dans tous les sens, bien davantage et beaucoup plus loin qu'aucun Romain ou Grec ne l'avait fait avant lui et ne le fera après ». C. Grapin, Strabon et Dion Cassius ont aussi raconté Alésia, op.cit., p. 25.

 

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